Dictionnaire universel françois et latin,

vulgairement appellé

Dictionnaire de Trévoux

Auteure scientifique : Isabelle Turcan : Professeur des Universités à la Faculté des Lettres de l'université de Nancy2 (UMR ATILF)
Ingénierie d'étude : Viviane Berthelier (UMR ATILF)
Développement informatique : Jean-Yves Kerveillant (UMR ATILF)

Le Dictionnaire Universel François Latin
dit de Trévoux

Un dictionnaire atypique

Le Dictionnaire universel françois et latin [dit] de Trévoux, imprimé en 1704 à Trévoux, capitale de la principauté de Dombes, alors indépendante du royaume de France, fut présenté comme l’ouvrage de Louis-Auguste Prince de Dombes ; mais il était le fruit d’une opération menée par les « meilleurs savants de Paris », qui appartenaient pour partie à l’ordre de la Société de Jésus. Or, la genèse de l’ouvrage coïncide curieusement avec la parution du premier numéro de janvier-mars 1701 des Mémoires de Trévoux ou Journal de Trévoux, périodique dû aux jésuites qui sont le seul ordre religieux a avoir disposé d’un tel outil de communication culturelle et idéologique. On trouve dans ce numéro du Journal de Trévoux, non seulement un compte-rendu de la prétendue seconde édition du Dictionnaire Universel d’Antoine Furetière (1690), abbé de Chalivoy – catholique romain –, réalisée par le protestant Henri Basnage de Bauval (1701) – p. 227 - , mais surtout, placé dès la page suivante un Avis annonçant :

On imprime ici le Dictionnaire Universel, non pas tel qu'on le vient d'imprimer en Hollande, où l'on fait parler Mr l'Abbé Furetière en Ministre Protestant, mais entierement purgé de tout ce qu'on y a introduit de contraire à la Religion catholique.

Le fait est qu’on trouve parfois dans les fichiers de bibliothèque le Dictionnaire […] de Trévoux sous le nom de Furetière…

Un dictionnaire à réhabiliter pour sa vocation européenne

Resté longtemps méconnu, certainement du fait de sa réputation de dictionnaire de jésuites qui a contribué à nourrir le discrédit auprès d’une partie du public du XVIIIe siècle, dans un contexte concurrentiel avec les philosophes encyclopédistes, ce dictionnaire méritait d’autant plus d’être réhabilité et valorisé par des études métalexicographiques qu’il nous offre, sur l’ensemble de ses éditions données au cours du XVIIIe s. (1704-1771), un précieux témoignage de l’évolution de langue et de la culture françaises. Si le Dictionnaire de Trévoux a été témoin des diversités de la langue française, dans toutes ses composantes linguistiques et socio-culturelles, il ne faut pas négliger qu’il a été aussi le témoin des richesses d’une culture française, non pas restreinte à celle de la cour du Roi, à l’univers fermé d’un microcosme parisien, mais ouverte au-delà des frontières du royaume, la culture d’une Europe francophone et francophile et cela dans un contexte complexe de rivalités éditoriales et idéologiques.

Un premier colloque international a été organisé en octobre 1999 à Trévoux, sur le thème « Connaissance et rayonnement du Dictionnaire Universel […] de Trévoux (1704-1771) » a permis de relancer une dynamique de recherche et en particulier de faire enfin le point sur le nombre des éditions connues, officiellement reconnues par les instances parisiennes, ou dénigrées, telles les éditions réalisées en Lorraine1.

L'édition lorraine du DUFLT (1738-1742)

Restées jusqu’à ces dernières années dans l’ombre, les éditions lorraines du Dictionnaire […] de Trévoux (1734, 1738-1742 et le supplément de 1752) ont été soumises à des analyses systématiques qui ont permis de montrer leur rôle fut capital pour la diffusion et la connaissance de la culture française dans l’Europe des Lumières, qui était non seulement francophone et francophile, mais surtout animée d’une curiosité encyclopédique. Or le Dictionnaire[…] de Trévoux s’inscrit dans cette tradition lexicographique marquée par la fascination pour un savoir universel et par l’ambition d’une exhaustivité revendiquée par l’encyclopédisme des Lumières.

Si l’édition lorraine du Dictionnaire universel françois et Latin […] ou Dictionnaire de Trévoux réalisée à Nancy par P. Antoine (1738-1742) a été choisie dans la collection des dictionnaires anciens du laboratoire ATILF comme premier corpus témoin de notre projet de bibliothèque numérique, c’est bien d'abord pour sa représentativité du rayonnement de la langue et de la culture françaises dans l’Europe des lumières. Mais c'est aussi pour pouvoir y étudier la représentation de la Lorraine.




1Isabelle Turcan : « Présentation des différentes éditions du Dictionnaire […] de Trévoux recensées à Nancy, Lyon, Paris, Bourg-en-Bresse et Trévoux : comparaison des éditions et principes méthodologiques pour une nouvelle approche de l’ordre canonique des éditions trévoltiennes, parisiennes, nancéiennes ».


© Isabelle Turcan (janvier 2012)


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